Mercredi 30 novembre, le social se mobilise

de: Guy Zurkinden, rédacteur du journal Services publics

Éducatrice spécialisée dans une institution prenant en charge des adultes en situation de handicap, Amélie* se mobilisera le 30 novembre pour une vraie reconnaissance des professionnel·le·s du social.

Pourquoi vous mobiliserez-vous le 30 novembre?
Amélie – Le gouvernement neuchâtelois a décidé de fait de geler nos salaires, en refusant aux institutions spécialisées les financements nécessaires pour qu’elles puissent adapter la grille salariale et indexer nos rémunérations. Concrètement, mon salaire ne va pas bouger en 2023. À cela s’ajoute le fait que dans mon institution, je dois régulièrement utiliser mon véhicule personnel dans le cadre du travail. Je touche pour cela une indemnité de 70 centimes par kilomètre, qui n’a pas été réévaluée malgré la hausse du prix de l’essence. Je serai donc doublement perdante en 2023.

En menant une formation dans le social, je n’avais pas pour objectif de devenir riche. Mais tout de même. Avant de conclure ma formation ES, comme de nombreuses collègues, j’ai travaillé en tant qu’assistante socio-éducative (ASE) à temps partiel, pour un salaire très bas.

C’était dur. Aujourd’hui, on gèle nos salaires, alors que les barèmes de la CCT s’appliquant aux institutions spécialisées du canton (CCT-ES) sont en moyenne 15% inférieurs à ceux des employé·e·s de l’Etat. Cela devient de l’abus!

Vous vivez cela comme un manque de reconnaissance?
Cette décision est un manque de respect à toutes celles et ceux qui travaillent sur le terrain du social. Le Covid-19 a mis en lumière les professions de la santé et leur importance– même s’il a été difficile de faire passer l’initiative de l’Association suisse des infirmières visant à revaloriser les professions de la santé. Le social, en revanche, est resté dans l’ombre. Nous endurons pourtant des conditions de travail difficiles. Dans les foyers, un·e salarié·e à 100% travaille 45 heures par semaine en moyenne. Les horaires sont annualisés et varient beaucoup. En semaine, ils s’étalent entre 7 h et 22 h. Quatorze fois par an, nous travaillons tout le week-end dans le foyer, le samedi et le dimanche, de 7 h à 22 h. Et tout cela, sans pause! L’été, nous faisons des permanences quotidiennes de 12 heures, 4 à 5 fois par semaine.

J’ai choisi de faire ce métier et donc je suis prête à assumer ce type d’horaires. Mais le problème, c’est qu’il n’y a aucune reconnaissance de nos efforts, à part nos sept semaines de vacances par an. Mais quand on n’a pas d’argent pour partir, c’est relatif!

Je pense que l’attitude de l’Etat est aussi le reflet d’un manque de considération pour les usagers·ères du social: les autorités considèrent ceux·celles qui ont recours aux services et aux institutions du social de moins en moins comme des personnes à part entière, et de plus en plus comme un boulet financier.

Vous métier comporte-t-il des risques?
Dans nos institutions sociales, il y a régulièrement des épisodes difficiles pour le personnel – violences, crises d’épilepsie, etc. Gérer de tels moments de crise dans des conditions de sous-effectif est extrêmement difficile. La conséquence, c’est que dans certains établissements, la sécurité du personnel n’est pas toujours assurée – et celle des bénéficiaires non plus!

À votre avis, quelles sont les raisons de ces problèmes?
Je pense que le Canton n’octroie pas suffisamment de ressources financières au secteur social. Avec pour conséquence un manque de personnel, et une surcharge de travail pour les professionnel·le·s. Exemple: dans notre institution, en cas de maladie, c’est souvent le personnel qui doit se débrouiller pour gérer les absences. Conséquence: il m’est déjà arrivé d’aller au travail avec de la fièvre, ou avec une gastro-entérite, parce qu’il est très difficile dans ces moments de se faire remplacer.
*Prénom d’emprunt

Mobilisons-nous en force mercredi 30 novembre!
En septembre, les 1800 salarié·e·s soumis·e·s à la Convention collective de travail du secteur des établissements spécialisés du canton de Neuchâtel (CCT-ES) apprenaient que le gouvernement cantonal refusait d’augmenter l’enveloppe budgétaire destinée aux institutions. Liées à l’Etat par des contrats de prestations, ces dernières ont l’obligation d’appliquer la CCT-ES.

Or la décision du Conseil d’Etat pourrait empêcher ces institutions d’appliquer les mécanismes salariaux prévus par la convention: l’indexation des salaires et l’octroi de l’augmentation annuelle (échelon) sont menacés, mais aussi la suppression prévue de la retenue salariale (7,5%) frappant les éducateurs·trices ayant un diplôme ES, ainsi que celle de la pénalité salariale frappant les salariée·s ayant obtenu une promotion interne.

Le blocage financier se traduirait ainsi par un recul des salaires réels (jusqu’à 200 à 300 francs de moins par mois!). Un recul d’autant plus choquant que le personnel touche une rémunération en moyenne 15% plus basse que celle des employé·e·s de l’Etat, tout en effectuant un nombre d’heures plus élevé.

Mercredi 30 novembre, c’est donc tout le secteur qui se mobilisera, avec l’appui du SSP, de l’ASI, de Syna, de l’association neuchâteloise des travailleurs sociaux (ANTES) et de l’Association neuchâteloise des cadres d’institutions spécialisées (ANCI). Autour de deux revendications: l’octroi par l’Etat de trois millions supplémentaires aux institutions couvertes par la CCT-ES, afin qu’elles puissent l’appliquer pleinement; et la revalorisation des rémunérations dans le secteur.

Un grand rassemblement aura lieu dans la cour du Château à 15h15. À cette occasion, la pétition «Pour une revalorisation du social» sera remise au Conseil d’Etat.