Quand bien même les enseignant-e-s du secondaire 2 ont depuis peu la possibilité de refuser les ordinateurs que leur fournit le Département, dans les faits, l’utilisation de leur propre portable à l’école rend l’opération complexe et contraignante, pour des questions de sécurité informatique notamment. Les blocages évoqués pour l’utilisation d’outils personnels reviennent, finalement, à un non-choix et une double acquisition – un ordinateur personnel doublé d’un ordinateur de travail.
Le fait que les enseignant-e-s seront en quelque sorte contraint-e-s d’avoir deux ordinateurs constitue un non-sens environnemental (gaspillage de ressources, énergie grise, dépense énergétique, etc.), surtout en regard de la rapidité avec laquelle les équipements deviennent vétustes et obsolètes pour que les programmes puissent tourner de manière adéquate (latence entre les requêtes et les exécutions). La multiplication des classes BYOD (Bring Your Own Device) engendre en outre une augmentation de la consommation énergétique qui questionne fortement, même si les ordinateurs distribués au corps enseignant sont censés ne pas être trop énergivores.
La stratégie de l’État vers une numérisation généralisée au postobligatoire, y compris pour les élèves qui devront progressivement avoir un ordinateur portable en classe (aux frais des familles, exacerbant par là même les inégalités entre les élèves), questionne donc tant d’un point de vue de son impact environnemental que des ressources financières qui lui sont allouées. De plus, le temps perdu à résoudre les problèmes informatiques par des personnes qui ne sont pas formées pour ce faire a probablement été sous-estimé. Il semble également qu’il soit bien plus compliqué de capter l’attention des élèves, cachés derrière leur écran et qui n’ont pas forcément encore la maturité nécessaire pour effectuer des exercices avec auto-correction automatique sans forcément pouvoir bénéficier du regard du personnel enseignant.
Par ailleurs, la plus-value de l’apport généralisé dans toutes les leçons d’un ordinateur pour les élèves n’est, à l’heure actuelle, pas démontrée de manière significative et les bilans restent mitigés. Small, G.W. & al (2020)[1] indiquent des effets nocifs potentiels comme des symptômes accrus de déficit d’attention, une intelligence émotionnelle et sociale altérée, une dépendance à la technologie, un isolement social ou encore un développement cérébral altéré et un sommeil perturbé, tout en attribuant des bénéfices via l’utilisation de diverses applications, jeux vidéo et autres outils pour l’agilité cérébrale. Il serait ainsi davantage intéressant de construire, de concert avec les enseignant-e-s concerné-e-s, un concept en amont de la digitalisation et pour cette même digitalisation, plutôt que de créer des supports en aval de l'acquisition de matériel et pour ce dernier.
Aux yeux des signataires, une réorientation des projets d’investissement concernant l’éducation numérique est donc nécessaire afin de tenir davantage compte de son impact environnemental et financier, mais aussi de son impact sur la santé des jeunes et sur la pédagogie en général.
[1] Small, G.W., Lee, J., Kaufman, A., Jalil, J., Siddarth, P., Gaddipati, H., Moody, T.D., & Bookheimer, S.Y. (2020). Brain health consequences of digital technology use, Dialogues in Clinical Neuroscience,22(2),179-187. doi: 10.31887/DCNS.2020.22.2/gsmall.
Cf. aussi : Kassam, Shanoor & Ferrari, Romina. – Les effets de l’exposition aux écrans des enfants et des adolescent‑e‑s : concepts-clés, revue de littérature et état des lieux des pratiques. – Neuchâtel : Institut de recherche et de documentation pédagogique (IRDP), 2020. - 102 p.; 30 cm. - (20.2). https://www.irdp.ch/data/secure/3463/document/202.pdf
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| 03.11.2023 | Journée syndicale des enseignant-e-s 1er novembre 2023 - motion populaire "Pour une éducation numérique plus durable et plus réfléchie" | PDF (261,0 kB) |
