Si certaines nouveautés sont à saluer - comme l’introduction d’une grille salariale de référence, une petite reconnaissance du temps hors enfants ou l’augmentation du taux de couverture -, de nombreux éléments posent encore problème - comme le report du parascolaire 2 sur les communes ou l’extension des horaires d’ouverture. Et les professionnel-les de l’accueil de l’enfance sont loin d’avoir été écouté-e-s.
La mobilisation mémorable du secteur de l’enfance lors du 14 juin 2023 n’aura pas été entendue par le Conseil d’Etat : aucune des revendications amenées par les professionnel-les de ce secteur ne se retrouve en l’état dans le nouveau rapport soumis au Grand Conseil. Le manque de consultation réelle des professionel-les de l’enfance aboutit donc à un texte qui rate sa cible, malgré certaines améliorations notables.
Parmi les points positifs, nous relevons :
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La présence d’une grille salariale unifiée, qui offre une base claire pour que les structures privées se rapprochent des conditions salariales des structures communales d’ici 2025. Il s’agit d’un premier pas important pour une vraie revalorisation salariale à la hauteur de l’importance des métiers de l’accueil de l’enfance. Mais la présence d’un minimum va inciter les structures à se fixer sur ce montant, très en dessous des attentes du SSP et des professionnel-les.
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L’augmentation du taux de couverture à 33%, qui est un objectif ambitieux mais nécessaire. Le SSP salue aussi le fait qu’il soit le même pour les secteurs préscolaire et parascolaire, ce qui souligne l’importance de la continuité de la prise en charge, afin d’assurer que les enfants fréquentant une crèche puissent également bénéficier d’une place en parascolaire lorsqu'ils et elles commencent l’école.
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L’augmentation du taux d’encadrement pour le préscolaire et l’élargissement du parascolaire 1 aux élèves de 5ème et 6ème année, qui permettent d’assurer un meilleur accueil de chaque enfant. Jusqu’à présent, le parascolaire 1 correspondait aux élèves de la 1ère à la 4ème année, avec un taux d’encadrement de 1 adulte pour 12 enfants. L’inclusion des 5ème et 6ème année permet de les faire bénéficier de ce meilleur taux d’encadrement (contre 1 adulte pour 18 enfants aujourd’hui), même s’il reste loin des revendications du SSP (1 adulte pour 8 à 10 enfants jusqu’à 10 ans1).
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Le renforcement des équipes éducatives de 5% d’ici fin 2027, qui va permettre d’augmenter la taille des équipes pour donner concrètement du temps hors enfants au personnel. Car un accompagnement de qualité nécessite aussi d’élaborer le projet pédagogique de la structure et les activités en lien, d’avoir des entretiens avec les parents, ou encore de coordonner le travail d’équipe. Ce sont autant de tâches essentielles mais peu visibles, et dont la reconnaissance est une revendication importante des professionnel-les. Néanmoins, 5% de temps hors enfants reste encore très faible (environ 1 heure par une semaine pour une personne à 50% !), et ce taux ne sera mis en place que progressivement sur 4 ans. A titre de comparaison, le canton de Vaud estime que ces tâches représentent entre 10 et 15 % du temps contractuel de chaque professionnel-le2 et le SSP revendique qu’au moins 20% de la durée normale du travail y soit consacrée1.
Cependant, plusieurs éléments posent encore problème :
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L’augmentation du taux d’encadrement du parascolaire 1 se fait au détriment du parascolaire 2, c’est-à-dire les enfants de 10 à 12 ans, en 7ème et 8ème année. Cette tranche d’âge a été retirée du financement cantonal pour être mise à la charge des communes. Mais les communes ne sont pas entièrement soumises aux conditions d’encadrement définies dans la LAE ! Ce changement s’opère donc sans garantie pour la qualité de l’accueil et des conditions de travail. Par exemple, les communes pourraient choisir d’augmenter le nombre d’enfants par adulte au-delà du nombre de 1 adulte pour 18 enfants prévu aujourd’hui, ou déléguer cet encadrement à des bénévoles. Une mesure décidée uniquement pour alléger le coût de la loi, loin de mettre la qualité de l’accueil au centre de ce texte.
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L’ouverture à l’extension des horaires des structures est une autre source de vive inquiétude. Sans limite fixée à l’extension ni critère pour définir quelle structure peut justifier un tel besoin auprès du canton, le manque de clarté de la mesure n’offre aucune assurance que les situations familiales du personnel seront prises en compte, dans un secteur professionnel majoritairement féminin. Cette mesure n’est positive ni pour les enfants ni les parents, pour qui il est nécessaire de passer du temps en famille. Elle est orientée pour l’économie avant tout, qui fait pression sur les travailleur-euses pour qu’ils et elles assument des horaires de plus en plus étendus, au détriment des liens humains et de la santé au travail. Un travail déjà éprouvant ne peut pas être maintenu de manière qualitative sur une aussi longue période, affectant le personnel comme les enfants. Nous ne voulons pas travailler plus longtemps simplement pour l’économie !
Plusieurs revendications-clés du personnel de l’enfance brillent tout simplement par leur absence, comme la taille maximale des groupes d’enfants (un critère qui aurait pu limiter les risques liés au changement de responsabilité du parascolaire 2), la formation continue, l’harmonisation des congés du secteur (malgré nos demandes à ce sujet), les mesures contre la pénibilité, ou encore les locaux trop souvent mal adaptés et le taux de m2 par enfant. Il s’agit pourtant d’éléments essentiels pour la qualité de l’accueil de nos enfants, comme pour les conditions de travail du personnel. Cette absence est une preuve supplémentaire du manque de consultation des professionnel-les du secteur sur ce projet.
Car l’ensemble du processus a bien été marqué par une consultation problématique. Les dernières recommandations de l’AEDE (l’Association Des Educatrices-teurs De l'Enfance) prises en compte dans ce rapport datent de 2018 ! Et le manque de propositions concrètes transmises dans les quelques séances d’information n’a pas permis une prise de position réelle des professionnel-les sur ce projet jusque-là. Par exemple, la grille salariale, un enjeu central de cette révision, n’a pas été transmise au personnel avant la publication de ce rapport. Cette opacité est particulièrement problématique pour un projet maintes fois repoussé sans explication, et explique les nombreux sujets absents du rapport.
Il s’agit d’un projet avec plusieurs innovations positives, mais qui aurait pu aller beaucoup plus loin. Le constat reste que, après plus de six ans d’attente, les professionnel-les de l’enfance sont la partie la moins écoutée, et que plusieurs enjeux clés restent en suspens. Le Conseil d’État doit pouvoir prendre en compte les revendications réelles du personnel : ce projet ne répond pas à l’épuisement répandu dans ce secteur, faute d’un nombre suffisant de professionnel-les par structure. Il est urgent de réfléchir dès maintenant à un plan pour ouvrir de nouveaux postes pérennes, pour lutter contre la surcharge professionnelle ainsi que le sous-effectif, et créer les places nécessaires pour que les professionnel-les encore en formation restent travailler dans notre canton.
Car la difficulté toujours plus importante d’engager et de fidéliser ce personnel hautement qualifié et fondamental au fonctionnement de notre société ne vient pas de nulle part : ce secteur est largement déconsidéré et les conditions de travail y sont précaires et inégales entre les structures. Le manque d’effectifs qui en découle nous empêche d’accomplir un travail de qualité, essentiel pour les enfants et attendus par les parents. Ces enjeux devront rapidement être abordés d’une manière ou d’une autre, car sans nous, tout s’arrête !
Retrouvez nos revendications sur le site du SSP : https://neuchatel.ssp-vpod.ch/downloads/campagnes/manifeste-secteur-enfance-et-ag-31-mai.pdf
Retrouvez le rapport sur cette révision de la loi sur l’accueil des enfants : https://www.ne.ch/autorites/GC/objets/Documents/Rapports/2024/24005_CE.pdf
Nathalie Delbrouck, Assistante socio-éducative et militante au Syndicat des Services Publics, 076 543 26 51,
Florent Blanc, secrétaire syndical au Syndicat des Services Publics, 032 914 77 42,
1 Brochure du SSP https://ssp-vpod.ch/downloads/enfance/brochure-lignes-directrices-du-ssp-pour-un-accueil-de-jour-de-qualite.pdf
2 Convention collective cantonale de travail dans le secteur de l’accueil de jour de l’enfance du canton de Vaud https://fsae.ch/_wys-doc/cct/ccct-enfance-6.pdf