En automne 2014, coup de tonnerre: le Conseil d’Etat annonce la suppression du système salarial de la fonction publique. Il impose un « régime transitoire » où la progression salariale est limitée à 0,5% de la masse salariale globale et qui doit durer deux ans, jusqu’à l’introduction d’une nouvelle grille salariale unique. Pour les enseignants, la moitié de la progression salariale est amputée.
La réaction des syndicats de la fonction publique, SSP en tête, ne se fait pas attendre: une grande manifestation rassemblant 2000 personnes se déroule à Neuchâtel le 26 novembre pour dénoncer les coupes dans les salaires; une « mobilisation-débrayage » a lieu au Château le 2 décembre.
Les discussions. Début 2015, le Conseil d’Etat met sur pied un comité de pilotage pour élaborer la nouvelle politique salariale. Les syndicats sont relégués dans un « groupe de consultation ».
En novembre 2015, le Conseil d’Etat présente son projet impliquant une baisse du salaire de carrière des enseignants et des perspectives salariales des basses classes de l’administration. Les syndicats le rejettent et organisent, début décembre, une manifestation au Château, qui est bien suivie. En réponse, le Conseil d’Etat remplace le groupe de « consultation » par le groupe « élaboration », qui pourra faire des propositions. Ce que les syndicats feront. Mais en mars 2016, le gouvernement les rejette en bloc et revient à son projet initial, qu’il confirmera le 27 mai.
La mobilisation. Le temps de la mobilisation est arrivé. Le 20 juin, les syndicats de la fonction publique sont réunis en assemblée générale (AG), qui décide d’organiser une grande manifestation en septembre, de se retirer des groupes de travail et de publier une page payante dans la presse pour expliquer leur opposition au projet de grille salariale.
Rapidement, il s’avère que les deux syndicats de policiers ne se mobiliseront pas. Ils acceptent des négociations bilatérales avec Alain Ribaux, leur ministre de tutelle. Quant aux autres syndicats dans l’administration, leur capacité de mobilisation est modeste. Ne restent donc que les deux syndicats d’enseignants (SSP et SAEN – Syndicat autonome des enseignants neuchâtelois) pour aller de l’avant.
Le 31 août, une pause prolongée est organisée dans les écoles. Le Département de l’éducation réagit en décrétant qu’il s’agit d’une grève et décide de ponctionner les salaires. La tension monte d’un cran.
Le 10 septembre, la page payante des syndicats paraît dans la presse régionale. Le conflit commence à faire parler de lui.
Le 15 septembre, la manifestation de la fonction publique contre la politique salariale réunit 1200 personnes à Neuchâtel. L’assemblée générale qui suit fixe un ultimatum au Conseil d’Etat au 26 septembre pour qu’il retire son projet de grille salariale.
Une rencontre avec le gouvernement a lieu le 27 septembre. Au lieu de répondre aux revendications des syndicats, celui-ci annonce un nouveau plan d’économies de 100 millions de francs, avec à la clé le passage de 40 à 41 heures de travail hebdomadaire et la suppression de 60 postes de travail dans l’administration cantonale. Les deux syndicats lancent une « grève administrative ».
La grève. Le 2 novembre, la Journée syndicale des enseignants fait salle comble. Le SSP vote à une très large majorité un préavis de grève pour le 8 novembre, reconductible le 9 novembre. Du côté du SAEN, le nombre trop élevé d’abstentions ne permet pas d’entériner la grève. Le président du SAEN encourage cependant ses membres à rejoindre le mouvement. La grève administrative se poursuit.
Le 8 novembre, environ 700 enseignants sont en grève, soit un quart des effectifs dans l’enseignement obligatoire et plus de 10% dans le secondaire 2. à Neuchâtel, plusieurs centaines d’enseignants organisent spontanément un cortège funéraire jusqu’au Château pour y enterrer l’école. L’après-midi, un rassemblement réunissant près de 1000 personnes a lieu à La Chaux-de-Fonds, suivi d’une AG où la grève est reconduite à la quasi-unanimité. Parallèlement, les grévistes acceptent que des représentants des syndicats rencontrent, à sa demande, la cheffe du Département de l’éducation.
Le 9 novembre, la grève se poursuit avec la même participation. Le Conseil d’Etat ne cédant pas, l’AG décide de reconduire le mouvement, les 24 et 25 novembre. Suit la rencontre « informelle » avec Monika Maire-Hefti.
Le 14 novembre, le SAEN décide de rejoindre le mouvement de grève.
Le 22 novembre, le Conseil d’Etat refuse une nouvelle proposition des syndicats. Il maintient la grille salariale mais propose des améliorations des conditions de travail et invite les syndicats à une discussion, le 30 novembre à 7 h.
La grève du 24 novembre est à nouveau bien suivie. L’après-midi, les grévistes se retrouvent dans la cour du Château pleine à craquer. Ils déposent une pétition munie de 4500 signatures, récoltées en deux semaines, qui réclame le retrait de la grille salariale. Les enseignants se rendent ensuite en cortège jusqu’à la salle où se tient l’AG, qui décide de repousser la grève au 30 novembre – date d’une nouvelle rencontre entre syndicats et Conseil d’Etat.
Le 26 novembre, une manifestation contre l’austérité réunit 1200 personnes à La Chaux-de-Fonds.
Le dénouement. Le 30 novembre dès 6 h 45, par un froid de canard, plus de 400 enseignants sont présents dans la cour du Château pour soutenir les représentants syndicaux dans leurs discussions avec le Conseil d’Etat, présent in corpore. Celui-ci ne cède pas sur la grille salariale, mais accepte d’étudier de nouvelles concessions sur les conditions de travail. Dans un courrier envoyé plus tard dans la journée, le gouvernement refuse de retirer la grille mais accepte quasiment toutes les propositions des syndicats sur les conditions de travail. En contrepartie, il exige que le conflit cesse.
Le 1er décembre, les deux syndicats se prononcent – séparément – sur les propositions du Conseil d’Etat, qu’ils acceptent à une large majorité (80%). Le conflit est donc suspendu (et non arrêté). Au sein du SSP, les débats ont été vifs: certains auraient voulu poursuivre la grève jusqu’à ce que le Conseil d’Etat cède. Mais une majorité en a décidé autrement, estimant le retrait de la grille salariale illusoire avec une mobilisation en nette baisse.